Le Souffle du mort

Dominique Sewane


Un livre essentiel sur la pensée spirituelle de l'un des peuples les plus méconnus de l'Afrique noire : les Batâmmariba, au nord du Togo et du Bénin.


Le Souffle du mort - Dominique Sewane
Le Souffle du mort - Dominique Sewane
Peuple fier, aux traditions de guerre et de chasse, il se reconnaît dans l'acte de construire des forteresses disséminées dans des montagnes d'une saisissante beauté. La nuit appartient aux forces de la terre qui s'incarnent dans certains arbres, pierres, sources... avec lesquelles se lient les défunts. Au cours d'un rite de deuil, chacun se met à l'écoute du silence de la nuit, comme le Voyant aux sens en éveil. La mort est conjurée, détournée, afin que le souffle du défunt acquière la force de former un nouvel enfant. C'est à de tels instants que les Batâmmariba puisent leur vitalité Au cours de huit missions en solitaire au Togo, Dominique Sewane a partagé leur existence quotidienne dans des conditions extrêmes. Elle a eu le privilège d'assister à leurs cérémonies les plus secrètes et d'approcher les "maîtres du savoir". Le lecteur participe à ses doutes, ses appréhensions, mais aussi à la révélation qu'est pour un Occidental une réflexion d'une rare profondeur sur le mystère de la mort donnant raison à cette pensée du grand philosophe russe Léon Chestov : "Tout ce qui a été créé de meilleur et de plus fort, de plus important et de plus profond dans tous les domaines de la création, prend sa source dans la méditation sur la mort et dans la frayeur qu'elle inspire".

Dominique Sewane est ethnologue et philosophe
docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes (sciences religieuses). Ses travaux sur la pensée de ce peuple animiste sont considérés comme essentiels par les spécialistes de l'histoire des religions. Elle a été nommée expert dans un projet en cours d'étude visant à reconnaître le territoire des Batâmmariba du Togo comme l'un des grands sites classés du Patrimoine mondial de l'Unesco.

Récension de Miriam Panigel 10/10/2010

Lire pour l’Afrique- Dominique SEWANE: Le souffle du Mort – les Batammariba (Togo, Bénin) - 

J’ai trouvé ce gros livre (850p) au Musée du Quai Branly, à la sortie de l’exposition Bénin. Si j’avais lu le titre je ne l’aurais peut être pas acheté, le Souffle du Mort m’aurait peut être rebutée. Mais j’ai seulement lu le mot « Batammariba », vu les silhouettes au sommet de la Tata….Le livre n’est pas resté longtemps en attente sur ma table de nuit. Il m’a accompagnée pendant plusieurs semaines.Je me suis trouvée fascinée. Il a hanté mes pensées.
La première fois que j‘ai entendu parlé de Bétammaribé, c’était à la sortie du parc de la Pendjari. Etienne, le gérant de l’auberge m’avait demandé comme un service de descendre un de ses hommes malade. Nous avions trouvé Félix, notre passager, installé sur le toit de la 4X4. Il avait repéré pour nous les lions à proximité de l’hôtel. En revanche, la rencontre avec un gros éléphant menaçant l’avait effrayé, il s’était glissé dans l’habitacle par la fenêtre arrière quand l’éléphant avait secoué ses oreilles. Je lui avais fait cadeau du lait en poudre que nous transportions avec nous depuis Cotonou pour sa petite sœur et il nous avait quittés à la Cascade de Tanougou. C’est lui qui nous avait montré les campements démontables des Peuls et leurs troupeaux. J’avais senti une nuance de mépris de ce sédentaire pour les nomades. « Je suis Bétammaribé » avait il affirmé. C’est ensuite, en lisant Hampâté Bâ que j’avais découvert l’immense fierté et la noblesse des Peuls.
Quelques jours plus tard, dans la 4X4 de Duran, nous avions visité le pays Somba de Natitingou à Boukoumbé. Curieuse expérience que cette expédition à la recherche des Tatas Sombas, ces magnifiques forteresses de terre dans l’Atakora. La beauté de l’architecture nous incitait à prendre photo sur photo malgré l’opposition des habitants. Une femme s’était précipitée sur la 4×4 et j’avais cru qu’elle allait gifler Dominique ou lui arracher l’appareil photo. Pourquoi étions nous si mal perçues ? C’est seulement après l’intercession de Maurice que nous avions été invitées dans une tata et chaleureusement accueillies. L’ »auberge » de Maurice nous avait aussi beaucoup plu. Quand nous somme revenues l’année suivante, notre seule exigence dans l’élaboration du circuit était de dormir une nuit dans la tata en ciment de Maurice. Malheureusement Maurice n’avait pas fait le nécessaire et nous l’avons trouvé complètement saoul à une cérémonie dont nous n’avions pas élucidé le sens et nous sommes redescendus dormir à Natitingou. Sentiment d’inachevé de cette visite. Comprendre ce qui s’était passé ce soir là… comprendre pourquoi nous étions si étrangères…
Ce livre devait donner l’explication.
Dès l’introduction, j’ai été attirée on seulement par le sujet mais aussi par l’auteur. Dominique étant un prénom mixte, je n’avais pas pensé que l’anthropologue serait une femme. Et une femme dont je me sens très proche par la génération post soixant-huitarde et les racines. J’ai beaucoup aimé la façon dont elle se met en scène dans son étude. L’observateur n’est jamais neutre dans une telle enquête. Cela m’a plu que ce soit le regard d’une femme. J’ai aussi apprécié son ambition de faire paraître ses travaux dans cette Collection Terre Humaine en compagnie en Jacques Lacarrière dont l’Eté Grec m’a servi de guide en Grèce ou de Dominique Fernandez, et de Mahmout Makal. Ambition d’être un écrivain avant tout plutôt qu’une universitaire publiant sa thèse. Et de ce fait, la lecture est très agréable.
Je n’imaginais pas la complexité de la religion animiste des Batammariba. Chez ces hommes restés longtemps nus et considérés comme « primitifs » le respect du savoir non écrit des Anciens est fondamental. Importance du nom, nom prononcé ou interdit, complexité des généalogies et des réincarnations. Extrême sophistication des cérémonies et en même temps tolérance inimaginable. Poésie. Alors que toute mystique me rebute habituellement j’ai lu jusqu’au bout cette analyse très fine de leur religion.
Impossible de quitter ce livre pourtant si gros. Je l’ai lu avec attention jusqu’au bout. Il n’a pas répondu aux questions que je me posais sur nos aventures béninoises. Pourquoi tous ces villageois étaient-ils si alcoolisés ? Etait-ce la condition pour entrer en transe ? Ou était- ce une corruption moderne de leurs traditions, l’alcool comme compagnon de l’irruption des fripes, des mobylettes et de la modernité. Dominique Sewane fait peu allusion à cette imprégnation lors des cérémonies auxquelles elle a assisté.

Le Souffle du Mort- Les Batammariba (Togo; Bénin) broché, collection Terre Humaine, éditions Plon, 2003
Le Souffle du Mort La tragédie de la mort chez les Batammariba (Togo, Bénin) Terre Humaine Pocket, 2007

Vendredi 5 Mars 2010